« Y'A DES SOIRS OU ON A PAS ENVIE D'ÊTRE SEUL. »

Sam Winchester & Ezra T. Jefferson

« T’es sûr de ça, Bobby ? » Soupir. « Y doit forcément y’avoir un moyen... » Dépité, il leva les yeux alentours, rien que pour surveiller que Dean ne se pointait pas. L’aîné Winchester avait eu pour envie subite de faire un tour de reconnaissance en ville, seul… Sam n’avait pas été vraiment allé chercher plus loin, il avait d’ailleurs sauté sur l’occasion pour continuer ses recherches plus ou moins secrètes sur comment sortir Dean de la merde dans laquelle il s’était mise. En parlant du loup, alors que les choses commençaient tout juste à devenir intéressantes avec Bobby, voilà que Dean entrait dans le bar, ce fameux bar où ils avaient décidé de se retrouver après la fameuse reconnaissance de l’aîné. « J’te rappelle. » Et pas un mot de plus avant de raccrocher prestement, avant même que Dean ait remarqué quoique ce soit, trop occupé à laisser son regard vaquer à droite et à gauche, comme d’habitude et comme encore plus depuis qu’il avait une bonne excuse pour se taper tout ce qui bougeait. Avalant une gorgée de bière, le chasseur fit signe à son frère, qui l’avait sans doute déjà remarqué mais qu’importe, tandis que celui-ci fendait la foule pour le rejoindre. Le rapport de Dean ne fut pas des plus intéressants. A croire que les crimes de Kentwood s’étaient subitement arrêtés depuis celui qui avait amené les deux frères ici. Quelle vaine. Enfin, ce n’était pas comme s’il n’y avait pas d’autres énigmes à résoudre. Sam n’avait pas encore parlé à Dean de sa rencontre avec cette blonde étrange. Il voulait en savoir plus avant d’alerter l’instinct de grand frère trop protecteur de Dean. C’était assez agaçant de ne rien comprendre et ne rien savoir sur cette fille sans devoir subir les questions encore plus énervantes de Dean. C’est ainsi qu’ils parlèrent un moment de leur chasse, l’air de rien, quelque peu dépités à l’idée de faire quelque chose avec du rien, avec quelques bribes d’informations qui ne se révélaient pas si intéressante que ça. Si ça se trouve, la mort de ce type avait été l’œuvre d’un démon, un démon bien loin aujourd’hui, à l’autre bout du pays qui sait, alors que eux, ils se retrouvaient là, à Kentwood une ville paumée dont l’activité à proprement parler, se résumait à ce bar, le soir en tout cas.

Bien entendu, il ne fallut pas bien longtemps à Dean pour trouver une meilleure occupation que discuter avec son frère de leurs histoires morbides et d’éviter soigneusement l’échéance qui se concrétisait. C’est donc rapidement que l’aîné Winchester avait rabattu son attention sur une jolie blonde, ou une grande brune, Sam ne perdit pas beaucoup de temps à observer la chose, qu’importe. Il finit donc sa bière en solitaire, sans accorder un regard à son frère, ou quoique ce soit de plus qu’un signe qui lui faisait comprendre qu’il décidait de rentrer au motel et que s’il voulait se taper cette fille, qu’il le fasse dans sa voiture, ou chez elle. Il n’attendit pas la moindre réponse de son frère, trop obnubilé par sa rencontre de ce soir, à prétendre être un producteur de musique ou un truc dans le genre comme il en avait si bien l’habitude. Mains dans les poches, Sam sortit du bar, esquivant au passage un type qui rentrait par là. Il allait pouvoir rappeler Bobby sans le faire attendre des jours entiers, quelle bénédiction et il allait en plus pouvoir poursuivre ses recherches toute la nuit sans que Dean lui pose quarante questions à la seconde. Finalement, c’était pas si mal certains soirs d’être tout seul. Pourtant, il ne se pressa pas tant que ça pour rentrer, en profitant pour observer les gens, observer les lieux qu’il avait l’impression de connaître déjà trop bien. Il avait bien envie de se barrer vers une nouvelle chasse, vers un nouveau cas sans doute plus intéressant que cette ville morte, mais encore fallait-il que pour ça, ils dénouent le mystère qui composait la ville de Kentwood. Il ne mit pas bien longtemps, avec ses enjambées de géant, à atteindre le motel. Même à pieds, cette ville n’était pas très grande, quelques minutes de marche et voilà qu’il en avait fait presque le tour, sans pour autant qu’il n’en trouve un quelconque intérêt. C’est à la lumière d’une des fenêtres qu’il chercha sa clé, la sortant finalement du fin fond de sa poche, pour enfin se rendre compte de l’anomalie de la chose. Il savait parfaitement bien que Dean n’était pas dans la chambre et que donc, il n’y avait aucune raison que la lumière soit allumée, d’autant plus que Sam savait parfaitement bien qu’il l’avait éteinte en sortant pour rejoindre le bar où il devait retrouver Dean. Donc fatalement, à moins que Dean soit repassé au motel avant de rejoindre son cadet au bar et ait eu le mauvais réflexe de laisser la lumière allumée, quelque chose clochait. C’est ainsi que Sam se retrouva à entrer à pas feutrés dans la chambre, inspectant rapidement les lieux, tout en portant sa main sur son jean, au niveau de sa ceinture où se trouvait comme toujours, son arme. Il la sortit silencieusement, remarquant au passage, la présence d’un sac sur son lit (son lit sérieux, seule zone presque propre et il fallait que quelqu’un pose ses affaires dessus, tiens).

Mâchoires crispées, il progressa encore un moment dans la petite chambre de motel dont il avait pour ainsi dire, une vue d’ensemble rien qu’en y entrant. C’est ainsi qu’il s’était dirigé vers la salle de bain, seul lieu de cachette potable dans cet endroit. Pas le temps de faire un pas de plus qu’on lui sauta littéralement dessus, arrivant même à le faire tomber sous la surprise, à croire que la personne qui s’était invitée dans sa chambre de motel n’avait pas prévu qu’il rentre de sitôt. Il mit un certain temps à reconnaître la personne, se rendant d’abord compte qu’il s’agissait d’une femme, à l’imposante cascade de cheveux bruns… et en soutien gorge. Et avec une arme pointée droit sur lui. Si Dean entrait à cet instant précis, il ferait sans doute une remarque sur les jeux pervers auxquels Sam se livrait pour coucher avec une fille, comme il avait si bien l’habitude de les faire. C’est à ce moment là qu’il la reconnut, alors qu’elle le reconnaissait elle aussi. Chose rassurante, il n’allait pas devoir se battre pour garder sa chambre de motel. « Ezra ? Qu’… qu’est c’que tu fais ici ? » Ouais, définitivement c’était la première question qui lui venait en tête tiens et aussi, comment elle avait pu les retrouver. Ils étaient dotés d’un traceur GPS ou quoi ?! Entre cette fille blonde qui avait débarqué pile au bon moment pour le sauver d’un démon et maintenant Ezra qui rentrait dans leur chambre comme dans un moulin, il faut croire qu’il y avait une faille dans le système des Winchester. Heureusement pour lui, elle se rendit rapidement compte de l’étrangeté de la situation et se releva, proposant même à Sam un peu d’aide pour se relever, au cas où elle lui ait pété une vertèbre en lui sautant dessus comme une barbare. « Euh je vois… » Ca c’était des explications, il avait fallu que le hasard fasse bien les choses, tiens. Observant un instant les alentours alors qu’Ezra retournait dans la salle de bain, Sam empila rapidement ses recherches pour les ranger dans un coin dans lequel elle n’irait pas fouiner, du moins, il l’espérait. Elle n’avait pas à savoir pour le pacte de Dean ou pour quoique ce soit de leurs histoires compliquées et glauques. « Dean il… il avait mieux à faire, avec… une fille. » Voilà, c’était clair hein, il fallait bien mettre les choses à plat. Il se risqua à s’approcher de la salle de bain, pour rester à l’entrebâillement de la porte, observant la jeune femme ou surtout, se concentrant sur la blessure qu’il pouvait voir dans le miroir de la salle de bain. « Et toi ? Il t’est arrivé quoi, là ? » C’est vrai si elle squattait leur salle de bain et leurs produits pour se soigner, autant qu’elle explique comment elle s’était retrouvée avec une épaule profondément ouverte.

« Y'A DES SOIRS OU ON A PAS ENVIE D'ÊTRE SEUL. »

Sam Winchester & Ezra T. Jefferson

Parfois dans la vie, il y a des hasards bien étranges, qui ne trompent pas aux premiers abords. Qui sait, comment se faisait-il que les choses soient faites de sorte à ce que par une pure coïncidence, Ezra se retrouve pile dans la chambre des Winchester ? Soit c’était un signe qui disait qu’il fallait qu’ils se revoient, soit elle les suivait depuis quelques jours déjà. Oui, de plus en plus Sam avait l’impression d’être suivi par n’importe qui. D’abord une blonde qui surgit de nulle part alors qu’il est à deux doigts de se faire tuer par un démon et maintenant Ezra, une vieille connaissance de chasse qui atterrit pile dans sa salle de bain, en soutien gorge même, sans pour autant qu’il ait demandé quoique ce soit ! C’était Dean le plus friand de chair fraîche tous les soirs ou presque alors pourquoi fallait-il qu’il ait l’impression d’avoir un harem féminin partout autour de lui ? Ouhla, heureusement qu’il ne mettait pas toutes ces pensées à haute voix tout comme heureusement qu’il n’avait même pas parlé de cette fille mystérieuse et blonde à Dean, sans quoi il se poserait bien trop de questions et en viendrait à s’en poser pas mal d’autres s’il débarquait à l’improviste là, maintenant. Heureusement pour lui, les démons s’avéraient être moins sur ses miches, à le suivre ou du moins, contrairement à cette blonde et à Ezra, ils faisaient tout pour ne pas être vus. Ricanant légèrement à sa remarque sur Dean, le jeune homme haussa les sourcils, sans imaginer pour autant son frère avec un homme ou avec un chien, mieux ne valait pas, surtout avec ce qu’allaient lui faire les chiens de l’Enfer d’ici quelques mois s’ils ne changeaient pas la donne. Et puis, il y avait plus important sur quoi se pencher plutôt que de s’interroger sur la sexualité de Dean et notamment, la raison de la venue d’Ezra ou même la raison qui avait entraîné la naissance de cette plaie dans son épaule. Oh, en toute bonne chasseuse qui se respecte, il imaginait bien qu’elle s’était fait ça face à un démon ou à quelque chose d’aussi coriace mais quand même, ce n’était pas une simple petite blessure, ça semblait plus sérieux que ça. Tant qu’elle gérait les choses, il se contentait de l’avoir à l’œil, à quelques mètres de là, à l’entrée de la salle de bain. Ouais, heureusement pour elle il se concentrait plus sur sa plaie à l’épaule que sur le fait qu’elle soit encore et toujours en sous vêtement sans que ça semble la gêner. Il fallait savoir faire face dans l’adversité et ce n’était pas comme si elle était la première femme qu’il voyait sans son tee-shirt.

Un nouveau sourire, alors qu’elle résumait sa chasse et la raison pour laquelle son épaule se retrouvait autant endommagée. Ce n’était pas tous les jours la joie de devoir sauver des gens qui ne comprenaient pas grand-chose à la situation et qui, la plupart du temps ne faisaient que compliquer les choses. Mais c’était bien pour sauver des gens que la plupart des chasseurs devenaient justement des chasseurs… même s’ils râlaient constamment sur les dites personnes au point de devenir complètement asociaux, ce que Bobby devenait de plus en plus. D’ailleurs, voilà qu’une pointe d’amertume venait ponctuer le récit d’Ezra. Abandonnant toute pensée, Sam l’observa un instant de son coin, avant de froncer légèrement les sourcils, bras croisés. « En tout cas c’en est fini pour les gamins que t’as sauvé et c’est pas rien, déjà... » Toujours se concentrer sur les gens qui étaient sauvés dans ces entreprises quasi suicidaires dans lesquelles se lançaient constamment les chasseurs. Se concentrer sur le positif ou ce qui avait l’allure de quoique ce soit de positif. Plus les années passaient, plus les victimes s’amoncelaient et oui, plus Sam également, se posait des questions que l’utilité de ce boulot. C’est vrai, les gens qui étaient morts à cause d’Azazel dans le Dakota du Sud, ils n’avaient rien demandé eux et pourtant, la simple entrée d’un petit élément surnaturel dans leur vie avait tout changé. Plus ils alignaient les kilomètres, plus les Winchester contaminaient les vies des gens qu’ils sauvaient, d’une gangrène dévastatrice, celle de la découverte d’un tout autre univers, qui allait changer leur vie à jamais, tout comme la découverte du monde surnaturel avait changé la vie de John, et plus tard, la vie des deux frères. Osait-il au moins espéré qu’aucun type ne deviendrait un John bis à cause d’eux. Tous ces doutes, il les gardait pour lui en compagnie de Dean et alors qu’elle s’occupait à soigner son épaule, sans doute qu’Ezra aussi, n’en avait rien à faire. Si bien qu’en l’entendant exprimer sa douleur, Sam se reprit, pour se concentrer à nouveau sur le moment présent, la voir dégager un bout de bois encore pris dans son épaule, avant qu’elle ne lui demande un nouveau service. Avec les années d’apprentissage Sam savait mine de rien, recoudre quelqu’un avec la précision d’un chirurgien… mais avec une méthode bien à lui, loin des douces anesthésies de l’hôpital. Il savait très bien qu’Ezra n’était pas le genre de chochotte qui se mettrait à hurler à chaque fois qu’il viendrait faire un nouveau point, si bien qu’il leva les yeux vers elle à sa question, pour l’observer un moment avant d’acquiescer en signe d’acceptation. Il allait l’aider, comme il l’avait déjà aidée et comme il aidait Dean quand il se retrouvait blessé à des zones inatteignables pour lui. Avec les bonnes vieilles méthodes.

C’est ainsi qu’il attrapa l’aiguille et le fil qu’elle lui tendit, pour venir se poster dans son dos, la laissant relever ses cheveux avec les soins d’une fille, pas franchement le même traitement que ce qu’il leur ferait subir s’il avait eu à le faire. Un léger soupir, un petit instant perdu à devoir passé le fil dans l’aiguille et voilà qu’il se lançait dans son travail minutieux, silencieusement, concentré, les sourcils légèrement froncés et cette petite fossette sur le front. Il ne se préoccupa pas un tant soit peu des quelques tressaillements qu’elle put avoir sous le coup de la douleur, trop occupé dans son œuvre pour penser à quoique ce soit d’autre. Presque un instant de liberté où il arrêta de penser à un croisement, un pacte avec un démon ou des chiens de l’Enfer. Elle reprit la parole après quelques minutes de travail minutieux et Sam, se stoppa un instant pour lever le regard vers le miroir et regarder son visage dans le reflet. Elle semblait pensive, sans doute qu’elle disait ça plus pour en parler que pour se livrer à lui et avoir son avis sur la question, si bien qu’il se replongea dans son travail. Il n’était pas le mieux placé pour dire quoique ce soit sur le désir de vengeance qu’elle pouvait avoir… il avait eu le même envers Azazel en ce qui concernait Jessica, donc pourquoi devait-il blâmer Ezra pour une chose qu’il avait lui-même ressenti ? « Je vois... Tu f’rais mieux d’être prudente si tu veux pas y rester… c’est pas passé loin cette fois. » Un regard furtif vers la glace et il reprit son travail. Il avait quand même donné son avis, bien qu’il ait sincèrement douté du bien fondé de cette action. Il était mort à cause d’Azazel et son frère avait du faire un pacte pour lui sauver la vie… donc l’air de rien, même sans vouloir en parler vraiment à Ezra, il était le mieux placé pour comprendre à quel point ça pouvait être frustrant, l’amertume d’une victoire qui ne se fête pas totalement. Il avait vengé sa mère, il avait vengé Jessica et même son père… mais au prix de perdre son frère, un an plus tard. Il finit son travail, s’écartant de la jeune femme pour aller se passer les mains sous l’eau, essuyer tout le sang qui avait coulé sur ses doigts pendant qu’il travaillait sans compter. Elle semblait contente du résultat c’était déjà ça. L’abandonnant une nouvelle fois, il sortit de la salle de bain pour aller s’essuyer les mains. Elle le rejoignit bien vite, dans une ultime demande, accompagnée bien entendu, d’une petite remarque. Un vague sourire comme pour confirmer les impressions qu’Ezra avouait, puis Sam baissa vivement le regard. Non, il n’avait pas envie de parler de ses erreurs, celles qui allaient irrémédiablement entraîné la mort de son frère. « Tu devrais faire un pansement à tout ça d’abord et... ne pas oublier ton tee-shirt. » Mine de rien, c’était assez gênant. « Y’a des bières au frigo, j’vais te chercher de quoi bander ça. » Il retourna dans la salle de bain, cherchant un vague instant dans leurs affaires de secours pour ramener des bandages à la jeune femme, mine de rien, il savait parfaitement bien comment détourner l’attention d’une personne de sa petite personne à lui quand il n’avait pas envie d’attirer l’attention.