Certaines journées commencent mal, très mal. Concernant Charlie, si vous vouliez sacrifier au Dieu de la chiantise une de ces précieuses journées, il suffisait d'avoir du cran pour, tout simplement, la tirer de son profond sommeil. Et ce matin, à 8 heures tapantes, le téléphone avait sonné deux fois, deux foutus et cruelles fois, avant qu'elle ne daigne décrocher et agresse son interlocuteur d'un « allo ? » qui s'apparentait d'avantage à un aboiement. Le café où elle travaillait, faisant office de bar la nuit tombée, avait besoin d'une serveuse de toute urgence ce matin même. Et c'était avec maints grognements que Charlie avait fini par accepter. Non pas qu'elle soit de nature à se laisser convaincre, elle savait dès le début qu'elle accepterait – le besoin d'argent étant trop pressant – mais le besoin de faire passer ne serait-ce qu'une infime partie de sa mauvaise humeur l'était plus encore. Et c'est en étant complétement dans le cirage que Miss Sullivan se prépara, étant barmaid le soir, Charlie s'était couchée tard la veille au soir.

Et comble du malheur dans cette histoire, le temps semblait être en parfaite harmonie avec ses sentiments. Au loin, un orage grondait. Dès qu'elle referma la porte de sa chambre d'hôtel, elle fut accueillie par une puissante rafale de vent qui la fit jurer pour ce qui devait être la cinquième fois de la journée. Le ciel était bas, gris, le temps lourd. Elle n'avait pas de permis et avait décidé de presser le pas avant qu'il ne se mette à lui pleuvoir des cordes sur la tête. Mmh... échec.

Lorsque le tintement de la porte du café se fit entendre ce matin-là, tous purent tourner le visage vers la nouvelle arrivante pour constater que, des doc marteens aux longs cheveux bruns qui lui collaient au visage, Charlie venait de prendre la douche de sa vie. Et ce n'était pas beau à voir ! Elle n'avait pas prévu qu'il ferait si moche avant de sortir et ne portait qu'un jean qui lui collait à la peau et un petit pull gris bien trop léger. Et ça, c'était sans parler de sa mine renfrognée et de son maquillage noire qui avait un peu coulé. Très clairement elle le savait, ce matin-là, elle était affreuse à regarder. Et ça ne participait certainement pas à la rendre de meilleure humeur. Cependant, le sort n'avait pas fini de s'acharner, et alors qu'elle s'avançait vers le bar, elle fut informée par son boss : « Ah Charlie, désolée que tu sois venue, Karen avait juste crevé en chemin. Elle vient juste d'arriver donc... » Rêvait-elle ou était-il en train de lui indiquer d'un coup d'œil la porte battante qu'elle venait tout juste de franchir ? Tout ce qu'elle pouvait penser, dans sa verve montante c'était : putain de patron à la con, garce de Karen qu'elle aurait bien aimé voir littéralement crever ! Elle serra les dents, prenant sur elle comme jamais pour ne pas envoyer tout balader. Le nombre de fois où Charlie avait pu se faire virer à cause d'un comportement inadapté voire agressif se comptait sur les doigts des deux mains. Alors elle s'arma d'un simple regard noir et décida de commander un café tandis qu'elle ruminerait dans son coin une vengeance bien salée. Tout ce qu'elle souhaitait pour le moment, c'était sécher, se réchauffer, et petit-déjeuner. Et pour se faire, elle s'était installée à la table la plus éloignée de la porte pour squatter un box près du radiateur et de la baie vitrée où elle pouvait prendre un malin plaisir à voir ces abrutis courant sous la mousson. Oh bien sûr, elle avait été à leur place il y a de cela quelques petites minutes mais ça ne l'empêchait pas de se réjouir de leur malheur, bien au contraire même...

Distraite par ce petit spectacle, elle porta son gobelet de café à ses lèvres avant de grimacer de la pire des manières, conservant le liquide âpre et fort entre ses joues avant de porter une serviette à ses lèvres pour en recracher le contenu. Dégueulasse. Un vrai jus de chaussettes. Soit Karen venait de signer son arrêt de mort volontairement par désir freudien de se suicider. Soit - Charlie porta un petit coup d'œil au nom inscrit au feutre sur le gobelet 'Ezra' - sa commande avait été échangée avec celle d'une autre personne. Et simplement, Charlie se leva de sa chaise, gobelet encore bien chaud en main, et s'exprima auprès de la clientèle, composée de seulement cinq personnes – autant dire rien de nature à l'intimider – pour déclarer : « Excusez-moi, je cherche Ezra. Fiche d'identité : mec aux aux goûts de chiottes et aux parents très certainement facho. Ça vous dit quelque chose ? » … Le regard de Charlie s'était instinctivement porté vers un vieillard au fond de la salle, il la regardait avec de grands yeux innocents comme voulant jouer de son âge avancé pour éviter qu'elle ne lui massacre sa tronche de vieux grabataire croulant. A moins que ce ne soit ce petit garçon qui se cachait derrière les jupons de sa mère ? Le seul jour où Charlie avait entendu le prénom d'Ezra, c'était lors d'un cours de littérature qui remontait au collège et où elle avait dû étudier un poème d'Ezra Pound, poète fasciste, alors elle était persuadée qu'il s'agissait d'un homme jusqu'à ce que …

Vivre une vie de chasseuse avait des avantages, comme des inconvénients d'ailleurs. C'était un peu comme faire le choix d'être célèbre, on renonce toujours à avoir une vie privée stable et fonder une famille relève de l'impossible. Ezra le savait très bien, même si parfois elle se demandait bien à quoi servait réellement tout ce qu'elle faisait, certes elle sauvait des vies, mais parfois, elle était en proie au doute. C'était humain en quelque sorte, mais elle n'avait pas le droit de douter, elle n'avait pas le droit d'arrêter cela et au fond d'elle-même, elle ne savait pas si elle serait capable de renoncer à cette vie. En cette matinée, elle avait le moral dans les chaussettes ou plutôt... Elle était d'une humeur massacrante. Si elle était dans cette ville, c'était principalement pour une personne ou plutôt une seule et unique créature. Cette chose qui avait tué son oncle, la seule et unique famille qui lui restait. Ce monstre le lui avait enlevé et le pire dans toute cette histoire c'est que ce vampire était un fuyard. Il ne restait jamais très longtemps en place et de ce fait, il était difficilement localisable. La veille, au soir, elle était partie en chasse, chez une famille qui venait de perdre leur petite fille, si la jolie chasseuse avait réussi à chasser l'esprit. Elle ne s'en était pas sortie sans blessure, elle s'était donc fait quelques points de sutures aux endroits où elle était blessée. Désinfectant le tout à l'alcool pure. La nuit avait été plutôt agitée et elle avait dormit très peu de temps, pour ne rien changer à ses habitudes. Elle avait passée la plupart de son temps à jouer avec sa psp, en petite tenue avec son paquet de cigarette à porter de mains.

Une soirée comme les autres en somme, comme tous les matins la jeune femme avait fait son jogging matinale. Cependant, comme-ci le fait qu'elle n'arrivait pas à mettre la main sur ce foutu suceur de sang n'était pas suffisant... Le temps s'y mettait aussi à lui jouer de mauvais tours. Tantôt lourd pour ensuite se mettre à pleuvoir. La jolie brune alla donc jusqu'à petit café en courant, choisissant le plus proche au hasard. Fort heureusement pour elle, la pluie ne l'avait pas mouillée plus que cela. Elle était donc sèche. Elle s'installa à la table du fond, de façon assez discrète, attrapant le journal du jour. Rien ne lui indiquait qu'un vampire était dans les parages. Ezra soupira légèrement avant de reposer le journal sur sa table calmement et de s'adresser à la serveuse.« Un café bien corsé et noir, avec un soupçon de vodka s'il vous plait... » La jeune femme lui adressait un regard curieux pendant quelques secondes. Ezra roulait des yeux avant d'insister lourdement du regard. Son interlocutrice se pressa donc d'aller lui préparer son petit cocktail matinale. Oh, la chasseuse était loin d'être une alcoolique, c'était simplement devenu une habitude de boire ce petit truc. Elle le faisait tout le temps avec son oncle et au fil du temps, c'est devenu une sorte de drogue. Pendant que la petite serveuse était occupée, Ezra en profita pour sortir son portable de sa poche et d'appeler Jensen. Un chasseur qu'elle connaissait depuis un petit moment, mais c'était avant tout son informateur personnel. Ô bien sûr, elle savait que ce type n'avait qu'une envie et cette envie était de la foutre dans son lit.Chose qu'Ezra ne fera jamais, tout simplement parce qu'il n'était pas du tout son genre, mais aussi parce que plus un type lui fait du rentre dedans, moins elle a envie de céder. C'était une emmerdeuse de première et peu de gens arrivaient à apprécier son sale caractère. Son informateur ne répondant pas, elle n'insista pas plus longtemps et elle hésitait pendant quelques minutes à envoyer un message à Sam. Ses doigts jouant légèrement sur les touches, écrivant et effaçant plus d'une fois. Elle fut distraite par une voix féminine, fort peu sympathique qui semblait prononcer son prénom.

« Excusez-moi, je cherche Ezra. Fiche d'identité : mec aux aux goûts de chiottes et aux parents très certainement facho. Ça vous dit quelque chose ? » Instinctivement et d'un mouvement sec, la belle chasseuse ferma le clapet de son portable avant de le fourrer dans sa poche. Un silence de mort régnait dans ce petit café paumé. Ezra analysait rapidement les gens qui se trouvaient à l'intérieur...il n'y avait pas plus de cinq personnes. Son regard se posa sur une jeune femme, brune aux formes dignes des actrices de cinémas. Elle tenait un gobelet entre ses mains, un gobelet sur lequel était écrit son propre prénom. Esquissant un sourire amusé, la jeune femme avait bien du mal à imaginer la jeune femme boire ce genre de café de bon matin. Ce n'était pas fait pour Ezra se leva calmement, suivit du regard par le peu de clients qu'il y avait dans l'établissement. Elle s'approcha de la petite effrontée, prenant le gobelet entre ses mains. Elle toisa la jeune femme du regard avant de le reposer sur la table et de croiser ses bras contre sa poitrine. « Tu me cherchais ? Saches pour ta gouverne que mes parents avaient certainement de meilleurs goûts que les tiens...j'ai disons...plus de style vestimentaire... » Elle lui offrit un sourire carnassier avant de reprendre son gobelet et d'aller le reposer sur le comptoir. «-ça sent le chien mouillé... » disait-elle en se pinçant le nez de façon moqueuse. Sans pour autant regarder la provocatrice.

Contre toute attente, ce fut une jeune femme élancée qui se leva parmi cette petite assemblée. Démarche assurée, yeux droits enfoncés dans ceux de Charlie qui, avant même qu'elle n'ouvre la bouche pour répondre, avait tout compris. Certains les appellent femelles alpha. D'autres reines de la ruche. Castratrices. Barjes. Furies. Chieuses. En fait, vous pouvez bien les appeler comme bon vous semble tant que vous ne perdez jamais de vue que seul un unique spécimen de cette espèce peut régner en toute sérénité dans un espace clos et confiné. Allez savoir comment expliquer cela, peut-être qu'elles ont des ancêtres communs chez un peuple d'Amazones où la tradition est de tuer celle qui ouvre sa gueule un peu moins grand que l'autre... Toujours est-il que d'instinct, Charlie avait senti le vent se lever dans sa direction ainsi que le petit affrontement qui se préparait. Et sa seule réaction incontrôlée fut l'apparition d'un fin rictus au coin de ses lèvres. Ce n'était pas la première fois qu'elle se foutait dans une situation tendue, en situation d'affrontement d'une certaine façon... faut dire qu'elle a toujours eu sa façon bien à elle de semer la merde pour recevoir de violentes récoltes. Et chaque fois, elle adorait ça pour une seule et unique raison. Le sentiment qu'elle avait d'en sortir toujours gagnante. Et elle avait on-ne-peut plus vu juste...


« Tu me cherchais ? Saches pour ta gouverne que mes parents avaient certainement de meilleurs goûts que les tiens...j'ai disons...plus de style vestimentaire... » Charlie n'eut même pas à la toiser du regard de la tête aux pieds avant de rire doucement, elle avait eu tout le loisir d'observer sa tenue de jogging lorsque la dite Ezra était venue jusqu'à elle, répondant présente à un léger affrontement. « Tout à fait Tomboy... ils ont quand même commis une sacrée boulette en oubliant de t'informer que t'es pas née avec des couilles ». Le papy détourna soudainement son regard de la petite altercation qui se tenait juste devant sa table, quoi... c'est quand même pas la désignation crue des attributs masculins qui vont choquer ses pieuses oreilles ? Si jamais c'était le cas, sans doute ferait-il mieux de se barrer parce que Charlie n'y allait jamais par quatre chemins et ce n'était là qu'un début sur la voie royale où elle était née de la pure, crue et belle... vulgarité. Et puis, ce n'en était pas faux pour autant. S'appeler Ezra. Porter une tenue de sport.

Charlie s'aventura à son tour jusqu'au comptoir auquel elle s'accouda, juste à côté de Miss Tomboy qu'elle ne calculait dès lors plus. Toujours un sourire bien ancré sur les lèvres, elle se doutait que les choses n'en finiraient pas là. Et en effet, la deuxième vague d'assaut avait été lancée. Faut croire qu'elles aimaient les comparaisons... Charlie ne répondit pourtant rien et se contenta d'adresser à Karen avec son air détendu qui faisait flipper la gentille petite serveuse : « Je peux savoir où est mon déca ? » Et il lui fut tendu sans incident malgré les mains tremblantes de son innocente petite collègue. « Voilà pour toi, Charlie. » Elle retira le couvercle du gobelet pour humer le doux parfum de son café, semblant constater pour elle-même, mais pourtant à voix haute : « Mmh... ça, ça sent pas la vieille galette de vodka laissée par un clochard au fond d'une vieille ruelle » et elle se tourna finalement vers la jeune femme à laquelle la remarque s'adressait, toujours de son air polie, pour proposer : « Tu veux pas sentir l'odeur d'un vrai café, tel qu'on les prépare dans les familles non alcooliques qui ne font pas regretter à leur gosse un malheureux accident de grossesse ? » Bah oui, clairement... il le fallait bien pour donner un nom de mec à sa fille !

La politesse, les petits mots doux ou bien la douceur en elle-même ne faisait pas partie de la personnalité de la belle Ezra. Elle n'aimait pas mettre des gants et encore moins s'incliner ou fermer sa gueule devant quelqu'un. En dehors de ça, elle restait néanmoins une bonne chasseuse et une fille forte. Son caractère pouvait être définit comme étant un caractère de merde, mais les chasseurs étant principalement constitués d'hommes, il faut dire qu'il fallait avoir du cran pour se faire une place dans ce monde de brut. Alors, lorsqu'on provoque la belle, il ne lui faut pas longtemps pour qu'elle démarre au quart de tours. Alors qu'une jeune femme s'égosillait comme une oie dans le petit café, la chasseuse se leva avant de répondre aux hostilités comme-ci il s'agissait que d'un simple jeu. Ô bien sûr elle savait que la jeune femme n'allait pas en rester là, elle l'avait vu, cette inconnue faisait partie de celles qui ne fermaient jamais sa gueule. Au plus grand bonheur d'Ezra et au malheurs des autres. . « Tout à fait Tomboy... ils ont quand même commis une sacrée boulette en oubliant de t'informer que t'es pas née avec des couilles ». ça, ça pouvait faire mal, sauf que cela ne touchait pas réellement Ezra, qui ne fit qu'esquissait un sourire en coin et de repartir au comptoirs. Évidemment elle ne pouvait pas s'empêcher de l'ouvrir encore une fois, prenant en compte l'odeur de chien mouillé, qui n'était autre que l'odeur de la jeune femme. Même s'il s'agissait là, d'un simple mauvais jeu de mot accusateur. Sa compagne de joutes verbales ne mit pas longtemps à venir lui tenir compagnie au comptoirs. Même si, soyons franc, Ezra rêvait de mieux. « Je peux savoir où est mon déca ? » Ezra poussa légèrement le café vers la serveuse en souriant froidement. « Je voudrais un autre café, je ne voudrais pas attraper la rage....vous comprenez...mademoiselle ? » La jeune serveuse qui tremblait légèrement hocha la tête avant de servir les deux cafés. Posant celui d'Ezra devant elle avant de donner l'autre à la jeune femme qui se trouvait à côté de la chasseuse. « Voilà pour toi, Charlie. » Charlie ? Bah niveau prénom, elle n'était pas mieux la cocotte. Enfin, ce prénom lui rappelait vaguement quelque chose.


« Mmh... ça, ça sent pas la vieille galette de vodka laissée par un clochard au fond d'une vieille ruelle » à cette réflexion Ezra étouffa un rire moqueur et sarcastique, avant d'ouvrir le couvercle de son café et de boire une gorgée. Cela ne servait à rien de répondre à tord et à travers, de toute façon la jeune femme ne tarda pas à se tourner vers la chasseuse. Toujours son air hypocrite sur le visage. « Tu veux pas sentir l'odeur d'un vrai café, tel qu'on les prépare dans les familles non alcooliques qui ne font pas regretter à leur gosse un malheureux accident de grossesse ? » Ezra lui fit un sourire carnassier avant de reposer son café sur le comptoir et d'exploser de rire. Elle approcha ses narines du café de la jeune femme avant de lever les yeux au ciel. S'il y avait bien une chose que la jeune femme haïssais par-dessus tout, c'est bien qu'on parle de sa famille. « -Non, ça sent simplement la merde mais... » La jeune femme pencha la tête sur le côté mimant un reniflement moqueur. « -Oh, non, ça ne vient pas du café, mais de toi, t'es sûr que tu ne t'es pas chié dessus par hasard ? On ne sait jamais avec les handicapés mentaux et les frustrés de la vie. » Finissant sa phrase par un grand sourire faussement polie, la tension était palpable. Il faut dire qu'Ezra n'était pas le genre de femmes à qui on faisait fermer sa gueule comme ça. ¨Bien sûr que non et pendant un instant elle aurait aimé que cette fille soit un démon juste pour avoir le plaisir de lui botter le cul dignement. Cependant ce n'était pas le cas et la jeune femme faisait tout son possible pour garder un soupçon de civilisation. Contenant donc son envie de lui exploser le nez contre le comptoirs du café. Et ce fut dans un mouvement rapide que la serveuse fit tomber le gobelet de la jeune femme au pied de celle-ci. Fort heureusement, le contenue n'avait touché qu'une infime partie des chaussures de la pauvre petite chieuse. Retenant un rire moqueur en voyant le visage de cette dernière, elle attrapa une serviette et la déposa devant elle avant de sortir de l'argent de le poser dans la main de la jeune femme. « -Profites-en pour te refaire une beauté, t'es pas très jolie à voir pour quelqu'un qui n'est pas un accident de parcourt, si être une petite fille qui est désirée avec un prénom mixte c'est ça...laisse-moi te dire que je favorise grandement ma famille imaginaire. À croire que tu aimes être mouillé, à chaud ou à froid. » Et sans ajouter quoi que ce soit elle vida son gobelet avant d'ajouter. « Ce n'est pas pour les petites natures... » Puis elle déposa de l'argent sur le comptoirs avant de s'adresser à la serveuse. « -Offrez donc un café à la demoiselle elle adore ça.... » Et cette fois-ci Ezra ne pouvait pas contenir son rire, elle alla donc reprendre place au fond du petit café, prenant soin de sortir son portable et de consulter ses messages.

Ce n'était certainement pas un hasard si Charlie évoquait la famille d'Ezra qu'elle ne connaissait pourtant ni d'Eve ni d'Adam. Elle savait simplement où frapper, et puisque son interlocutrice répondait avec tant de verve, c'était bien qu'elle n'y était pas indifférente. Charlie était déçue, elle avait imaginé cette fille beaucoup moins prévisible. Mais comme tout le monde, sa famille constituait une brèche béante dans laquelle elle comptait bien s'engouffrer. Tellement décevant. Ce ne serait donc pas encore aujourd'hui qu'elle se heurterait à personne à sa hauteur. Entendez par là, personne aussi immorale et sans attache qu'elle ; parce qu'aux yeux de Charlie, sa famille était aussi peu intéressante que de savoir qui était dans la peau de John Malkovich... ou même de savoir qui était ce foutu Malkovich tout court.

Alors autant dire que pendant qu'elle tournait la petite touillette dans son café, écoutant d'une oreille distraite le flot de débilités que déversait contre elle son interlocutrice, Charlie s'ennuyait ferme. Et elle n'eut même pas à feindre un air ennuyé, non non, ce fut le plus naturellement du monde qu'elle bailla. Elle était en train de se faire attaquer sur son odeur corporelle, de l'incontinence anale et un possible trouble mental. Il n'y a qu'à cet instant qu'elle se laissa aller à échapper un petit rire joyeux. Est-ce qu'elle avait un grain ? Oh bah oui, peut-être mais elle se rassurait en disant que ça devait sûrement faire son charme. Car oui, en plus de cela, Charlie avait un gros égo... Et elle but enfin les premières gorgées de son café, laissant Ezra s'enflammer toute seule. Sérieusement, pourquoi donc Charlie se serait-elle laissée atteindre par un flot d'insultes si peu... dans le contexte ? Certes, elle était trempée mais elle se douchait tous les jours et pouvait sentir l'odeur de shampoing émaner de ses cheveux trempés. Quant à une possible incontinence, pitié... elle avait encore la vingtaine, c'est pas demain la veille qu'elle s'amuserait à porter des couches. Ce qui était amusant dans le fait qu'Ezra évoque un possible trouble mental, c'était que l'intéressée elle-même semblait en souffrir. Sérieusement, Charlie en était persuadée, la demoiselle souffrait ni plus ni moins du syndrome de tourette qui consistait à insulter de tout et n'importe quoi chaque personne croisée.

Allez savoir, si un Dieu existait sur cette foutue planète, peut-être avait-il ressenti à quel point Charlie s'ennuyait de cette position de supériorité ; car le destin voulut jouer contre elle en décidant de faire tomber un gobelet à ses pieds... qui arrosa de trois malheureuses gouttes de café ses chaussures cirées. Rien qui ne suffisait à l'inquiéter, Charlie n'avait que peu à faire de toutes choses matérielles, ses chaussures y compris. Au retour, elle sauterait gaiement dans une flaque d'eau et hop là, ses docs seraient comme neuves... ou pas d'ailleurs. Mais elle s'en foutait, elle avait ses chaussures depuis le lycée, soit de nombreuses années, alors autant dire que celles-ci en avaient vu des pires. Pourtant là encore, la grande folle trouva bon de s'en réjouir … « Profites-en pour te refaire une beauté, t'es pas très jolie à voir pour quelqu'un qui n'est pas un accident de parcourt, si être une petite fille qui est désirée avec un prénom mixte c'est ça...laisse-moi te dire que je favorise grandement ma famille imaginaire. À croire que tu aimes être mouillé, à chaud ou à froid. » Encore une fois, Charlie ne l'écoutait que distraitement, elle n'avait jamais appris à faire l'effort d'écouter les personnes qui lui déballaient des romans. Elle était occupée à compter combien de petites pièces lui avait glissé Ezra dans sa main. Pas mal... de quoi se payer un autre café en tout cas ! Plutôt cool cette fille, elle était comme une piña colada géante bourrée de vulgarité et de petites pièces. Autant dire qu'il n'en fallait pas plus pour que Charlie l'adopte et veuille continuer à la taper avec un grand bâton pour trouver les autres surprises du jouet. Elle lui adressa donc un grand sourire, répondant simplement : « Cool ... » oui enfin ne poussons pas, ce n'était pas parce que Charlie la trouvait divertissante qu'elle lui accorderait un merci, ce n'était pas dans ses habitudes. Et c'est ainsi que la grande folle disparut dans un rire qui rappelait à Charlie celui des grandes méchantes Disney dont elle était fan. Alors pourquoi diable trouvait-elle que cette fille faisait pitié ? Ah oui … la tourette.

Charlie venait donc de se faire offrir son café et ce fut sans surprise, qu'elle alla s'asseoir à la table juste à côté d'Ezra. Elle avait bien pensé à s'asseoir à la même table mais elle ne voulait pas que les clients pensent qu'elle avait un quelconque lien avec cette fille, ça aurait pu être mauvais pour le business du café. Elle s'assit donc sur une banquette, non loin d'elle, et but doucement son café en l'observant tel un scientifique perdu dans la savane en train d'étudier les rites d'une tribu de suricates. « Hé Tomboy, ta mère t'as jamais dit que quand ce que tu dis est long et chiant, personne n'écoute ? Pourtant, j'ai comme l'impression d'avoir manqué quelque chose dans ton blabla incessant... tu peux me la refaire en courte steuplé ? » Charlie rit doucement en avouant simplement, tandis qu'elle y repensait « Je crois que c'était entre ta crise façon tourette et ton délire scato ... » Est-ce qu'elle en avait vraiment quelque chose à branler de ce que lui avait dit Ezra et qu'elle avait manqué ? Absolument pas une seule seconde. Elle venait simplement presser un nouveau bouton du juke boxe, pressée d'entendre la chanson que Mme Barjo lui chanterait maintenant. Et puis avec un peu de chance, elle trouverait peut-être le bouton autodestruction... Fallait tâter... Ça tombait bien, elle n'avait rien d'autre à faire en cet instant. Alors elle se contentait de la regarder en souriant. Et c'était sincère, elle s'éclatait plutôt bien aux premières loges de ce mini Hiroshima.